Article du mois : Nat. Chem.

Unconventional structural evolution of an oxide surface in water unveiled by in situ sum-frequency spectroscopy

Nat. Chem. 2024

Quand le SiO₂ Réagit avec l’Eau : Nouvelles Perspectives sur la Chimie de Surface et ses Signatures Spectrales

Que se passe-t-il à la surface d’un oxyde comme SiO2 lorsqu’il est au contact de l’eau liquide à différents pH? En alliant spectroscopie expérimentale et spectroscopie théorique, notre article démontre qu’il existe une chimie à la surface de SiO2 au contact de l’eau liquide, une chimie qui avait été ignorée jusqu’ici faute d’expériences spectroscopiques d’interfaces aqueuses pouvant sonder directement les propriétés de la surface.

Trois éléments novateurs ont été réunis pour le succès de ce travail. Le premier élément est l’expérience d’optique non linéaire de type SFG (Sum Frequency Generation) qui sonde pour la première fois la réponse de la surface de l’oxyde au contact de l’eau liquide. Une prouesse expérimentale, qui permet maintenant des expériences SFG de surface en plus des expériences SFG ‘habituelles’ qui sondent l’eau au contact de la surface. La deuxième originalité repose sur les simulations de dynamique moléculaire ab initio DFT-MD biaisées de type métadynamique qui ont été réalisées, dans lesquelles les variables collectives d’exploration de la surface d’énergie libre interrogent simultanément l’état global d’hydroxylation de la surface et les liaisons covalentes Si-O de surface. La réactivité chimique des liaisons Si-O-Si de la surface est alors accessible simultanément avec la déprotonation des silanols de surface, en fonction du pH. La troisième originalité est le calcul de la spectroscopie optique non linéaire SFG de la surface de SiO2 au contact de l’eau liquide par une nouvelle méthode appelée le ‘pop-model’ (publié par ailleurs dans J. Chem. Phys. 161:144115, 2024). Couplé à des équations maitresses de l’évolution des espèces chimiques présentes en surface en fonction du pH de la solution aqueuse, le ‘pop-model’ a permis le calcul explicite du spectre SFG de la surface aqueuse de SiO2 pour la gamme de pH allant de 2 à 12, ce qui est impossible à réaliser autrement.
Nous montrons que tant que le pH de la solution aqueuse est inférieur à 6, toute déprotonation d’un site Si-OH de la surface conduit à la formation de la base conjuguée Si(4c)-O- où le Si est 4 fois coordonné à des oxygènes de la surface, comme il est attendu dans la littérature. Ce n’est plus le cas pour des pH entre 6 et 10. En effet, la base conjuguée qui est alors formée est Si(5c)-O-, où le silicium est inhabituellement coordonné 5 fois aux oxygènes environnants de la surface. Nous avons montré que cela résulte d’une attaque chimique du Si(4c)-O- vers le site voisin Si(4c)-O, donnant naissance à une nouvelle liaison chimique Si-O qui s’additionne aux 4 déjà présentes. Au-delà du pH de 10, ces sites Si(5c)-O- deviennent instables pour des raisons électrostatiques, et seuls les sites Si(4c)-O- apparaissent à la surface. Nous avons trouvé certains critères clefs qui permettent de rationaliser cette attaque chimique, notamment la géométrie locale de deux sites voisins de surface.
Cette réaction chimique a certainement lieu à la surface d’autres oxydes. Nos expériences et calculs théoriques combinés permettent maintenant d’étudier et de caractériser précisément cette réactivité nouvelle. Nous ouvrons ainsi ici une nouvelle ère de recherche dans laquelle la reconstruction chimique et/ou physique de surfaces d’oxydes au contact de l’eau liquide peut être caractérisée finement.

Référence

X. Li, F. Siro Brigiano, S. Pezzotti, X. Liu, W. Chen, H. Chen, Y. Li, H. Li, Y.R. Shen, M.-P. Gaigeot, W-T Liu

Unconventional structural evolution of an oxide surface in water unveiled by in situ sum-frequency spectroscopy

Nat. Chem. (2024)

DOI:10.1038/s41557-024-01658-y

Cet article fait partie des travaux de la thèse soutenue par Madame Wanlin Chen en 2023, sous la direction de M.-P. Gaigeot à l’Université d’Evry Paris-Saclay (NNT : 2023UPASF029). Les Dr Simone Pezzotti et Flavio Siro Brigiano ont également réalisé leurs thèses de doctorat sous la direction de M.-P. Gaigeot à l’Université d’Evry Paris-Saclay (respectivement NNT 2019SACLE008 et NNT 2020UPASA001).

Ce travail résulte de la collaboration entre les équipes suivantes :

  • Prof Marie-Pierre Gaigeot, Université Evry Paris-Saclay (théorie)
  • Dr Simone Pezzotti, Ecole Normale Supérieure de Paris (théorie)
  • Dr Flavio Siro Brigiano, Sorbonne Université (théorie)
  • Prof Y.Ron Shen, Université de Californie à Berkeley, USA (expérience)
  • Prof Wei-Tao Liu, Université Fudan de Shanghai, Chine (expérience)
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